mercredi 13 avril 2005

Le goût du sang

"Le goût du sang" Claude Michels

Le goût du sang

Qu'est ce qui pousse le public vers des textes relatant avec une complaisance voyeuriste des histoires terrifiantes et dramatiques survenues, soit réellement dans le pire des cas, soit dans l'imaginaire dans le meilleur ? Catharsis ou incitation? La question est là. On trouve associés dans cette même passion funeste deux types d'oeuvres bien distinctes pourtant, voire qui n'ont rien de commun l'une avec
l'autre, les romans ou épopées lyriques classiques, l'Illiade par exemple ou les chansons de gestes... Et les anecdotes triviales de la presse people, Loana, pour le peuple qui ingore Homère, remplaçant Hélène... et Rocky, Oreste. Rien à voir ? Ce n'est pas sûr. Un constat impressionnant, une analyse pertinente et dérangeante, à la
fois philosophique et sociale, tant des lecteurs que des auteurs et surtout des promoteurs de ce type "littéraire". Leur but ? Séduire, gagner de l'argent. Mais les causes qui leur permettent de réussir ? Ne nous leurrons pas: le public, même si une certaine presse flatte et accentue sa propension vers le glauque, n'en est pas moins demandeur.

 
Pourquoi ce goût du sang ? La frustration devant des images qu'on lui impose et imprime fortement en lui, avec une double injonction contradictoire -"devenez cela" et "vous ne pourrez jamais y parvenir"-... suffit-elle à expliquer le sadisme sous jacent qui le fait jouir des malheurs de ces personnages-images... mais néanmoins réels? Ces hommes et femmes, archétypes de la beauté éternelle, de la richesse, de l'amour... jouent-ils malgré eux le rôle d'objet sacrificiel devant un public qui les adule et les hait à la fois parce qu'on l'a savamment conditionné à cet éclatement amour-haine ? Diana n'a-t-elle pas "fait" ses meilleurs tirages en deux occasions, lors de son mariage... et lors de sa mort ? Celle-ci aurait-elle vengé le public frustré de ce que sa vie, romancée, inventée par les medias, avait de "féérique", d'enviable -malgré tout- et d'exceptionnel, et de surcroit vengé des afficionados haineux qui s'ignoraient eux-mêmes ? Alors?
Ceux qui défendent ce type de prestations arguent qu'elles ont une fonction cathartique, qu'elles libèreraient le public des passions mauvaises. Mais ne sont-elles pas au contraire incitatoires ? -Par parenthèse, c'est bel et bien de cela qu'est morte Diana poursuivie par des paparazzi.- Le succès de la presse "people" n'est-il pas aussi et surtout relié à la faillite de la culture au sens classique du terme ?
L'Illiade ne peut s'apprécier qu'en prenant en compte le décalage immense entre les héros et nous-mêmes, en sublimant par conséquent leur douleur et leur joie devenus nôtres. Il semble que l'homme ait perdu cette faculté de distanciation, de symbolisation, et d'autant plus qu'il est brut, peu cultivé. Or, la mort de Diana n'est pas identique à celle d'Oreste...Un texte dérangeant... Et riche.

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