vendredi 13 août 2004

Un histoire à l'eau de rose qui oublie la guerre

"Le mythe de Margot" Marie-Rose Clary

Le mythe de Margot
Ou qu'est-ce qui pousse dont les femmes à pleurer et à se replier ? Marie-Rose Clary, née en 41, en fait beaucoup peut-être dans le genre chaumière-abandon-rue-orphelinat-misère et coups... Dans une écriture incompréhensible parfois. C'est sa vie, c'est celle de beaucoup d'enfants allemands de la guerre de 40. Soit. On apprend dans ce livre que les germains n'étaient pas tous blonds et roses ni costumés de blanc et réglés au métronome. Qu'ils pouvaient être ferrailleurs, miséreux, d'allure méditerranéenne, chargés d'enfants aussi innombrables que l'écume de la mer et désorganisés au point de ne pas parvenir à faire face à leurs obligations minimae: amour, nourriture et toit pour leur progéniture. Et on lit, et on s'effare: les abandons successifs, les déchirures, l'éclatement de la fratrie, la mère réduite à coucher l'hiver dehors avec le dernier né, les épousailles —fécondes— ultra précoces à la deuxième génération, et la reproduction parfois des mêmes tragédies, et l'illetrisme, et l'alcoolisme, et les maladies toutes plus épouvantables les unes que les autres.... Ce n'est pas du Zola mais une impitoyable iconographie médico-psychologique de tout ce qui peut arriver de pire dans une famille à la dérive. Soit.

 Marie-Rose trime, est placée, s'enfuit, est battue, trime encore, échappe, à dix ans, de justesse, à un viol — mais elle garde judicieusement l'argent qui lui a été donné sans qu'elle n'ait compris au départ quelle étaient la nature des prestations exigées pour cet obole — et survit. Elle devient même amoureuse. Plus exactement, des hommes s'éprennent d'elle — elle est superbe— et, lorsqu'ils se montrent bons et attentionnés, adolescente, elle fond de reconnaissance. L'un est marié — le coquin— mais il va quitter sa femme et l'amener bien vite au loin, bien loin... cependant, bizarrement, cela ne se passe pas du tout ainsi : au lieu de la grande scène de l'acte trois qu'elle attendait et redoutait, Marie-Rose le voit repartir avec sa légitime sans même se retourner... Un autre l'aime pour de bon mais ne peut l'épouser tout de suite, elle n'y croit plus, et, blessée, tente de l'oublier... et finalement, c'est un troisième qui l'emportera, au moment précis où l'attentiste s'est enfin décidé —ou libéré—. Trop tard, elle est fidèle et ne quittera pas Michel pour autant. Alors? Un livre extraordinaire pourtant car à aucun moment, la guerre n'est mentionnée, même après coup, autrement qu'à propos de l'absence de pommes de terre ou de la mort d'un oncle aimé... Même le massacre des juifs semble ne pas l'avoir effleuré. Mais oui, on est bien en 42, 43, 44 pourtant, on n'a pas rêvé. Qu'elle ait été réduite, enfant, à une telle déréliction qu'elle n'ait pu savoir ce qui se passait, soit. Mais qu'ensuite, elle n'en fasse nulle mention montre de manière éclatante que la Shoah pourrait survenir incessamment sans que, de la même façon, elle ne s'en émeuve ou plus exactement ne le voit. Elle seule? Non. En terminant ce livre étonnant, c'est la réflexion de Gustave Nouvel qui vient à l'esprit: "Cette masse amorphe et veule ... est plus dangereuse que les vrais fascistes car c'est elle qui permet son émergence et son maintient." Oui. Et même on la plaint. A-t-on tort ? L'extrême malheur est-il une justification vis à vis de l'indifférence aux autres? Peut-être. Mais tout de même...

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